16 octobre 2008

Ariane Moffatt au Club Soda - Jamais là où on l'attend

Réécouté l'album juste avant de partir pour le Club Soda. Je suis condamné à la réécoute de dernière minute. C'est bête, je les oublie, les albums, à force de passer au suivant illico. Or donc, rebonjour Tous les sens. Drôle d'album écartelé, me suis-je dit, comme la première fois. Délice des ballades, plus tendres que jamais. Démangeaison d'électro, plus bidouillage que jamais. À disque extrême, show extrême? Je la redoute un peu, Ariane la musicienne et sa quête du groove absolu. Imprévisible Ariane.


Imprévisible et demi, oui. À la première chanson de sa première partie, qui suivait sans pause l'attachante Marie-Pierre Fournier en prestation solo, avant-goût du disque à paraître incessamment de celle qui est aussi la bassiste-choriste d'Ariane, j'étais à la fois ravi et décontenancé. Elle n'était pas là où je l'attendais, l'Ariane Moffatt d'hier soir. Est-elle jamais là où je l'attends? Toujours est-il que là où elle était, c'était très exactement là où, sans me l'avouer, je la voulais. À savoir: pas du tout dans l'Astroland Park de la photo du livret. Pas du tout l'Ariane électro. Où ça l'électro? Ariane donnait plutôt dans l'orthodoxie pop, dans l'organique folk-pop, dans le power pop terrien, dans la musique qui se joue avec des instruments ordinaires comme on en jouait au temps des Beatles, à base de piano à queue, basse Hofner à la McCartney, batterie pas du tout hip-hop d'allégeance, avec tout juste un peu de saupoudrage de claviers pour le crémage.



Ariane sur terre, pour changer. Exaltante sobriété. Joie des voix en harmonie, du groove naturel produit par des musiciens plus occupés par l'échafaudage en commun que par les solos à rallonge. Tendance qui se confirmait au deuxième morceau, Réverbère, mené plus que rondement sur roulement à billes Motown. La suivante, Briser un coeur, avait autant de corps, du ragtime dans le piano gentleman cambrioleur, joué d'abord à deux mains par Pierre-Philippe Côté puis à quatre mains avec Ariane. Ici et là de drôles de sons, mais complémentaires. Des cordes préenregistrées, mais vraies cordes quand même. Rien que du palpable, du tridimensionnel.



«Je vous propose un party majoritairement non conservateur», a lâché Moffatt la ratoureuse, dénonçant les journalistes qui prennent invariablement en note la première phrase de la première intervention de l'artiste. Non conservateur, ça? C'était au contraire glorieusement conventionnel. Conservatisme post-moderne! Point de mire, avec Ariane à l'acoustique, était on ne peut plus éloignée de son statut de machine à danser. Petit riff tout chouette, de l'âme à revendre. Éternel instant présent, avec le grand piano et une guitare lap steel, était tout en relief, panoramique et désertique. Et ainsi de suite.



Et ainsi de suite? Pas moyen d'être certain avec Ariane. Quand j'ai quitté pour écrire ces lignes, elle amorçait La Fille de l'iceberg à partir d'un rythme «machinique». Qui sait si la suite n'était pas une sorte de rave à la Moffatt, électro à l'os? Il y avait une chanson de Jérôme Minière au programme, tout demeurait possible. Et son contraire. Insaisissable Ariane.

Jusqu'au 17 octobre, supplémentaire le 8 novembre au Métropolis.



Sylvain Cormier - Le Devoir


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