8 novembre 2008

De la parole aux actes



(Trois-Rivières) Elle avait beau jouer dans l'autodérision lorsqu'elle a écrit Je veux tout, il n'en demeure pas moins qu'il y a bel et bien un peu d'elle là-dedans. Et pour accéder à ce qu'elle veut, Ariane Moffat passe aisément de la parole aux actes.

Premièrement, elle veut faire carrière en France et fait ce que doit. Dès janvier, elle partira donc vivre là-bas pour une période de six mois. Elle sous-loue son appartement à Montréal, s'en est réservé un à Paris, et elle s'entourera sur place de musiciens français.

Deuxio, elle veut avoir du plaisir vendredi soir à Trois-Rivières, avec les gens qui assisteront à son spectacle au Théâtre du Cégep. Et pour ce faire, elle n'hésitera pas à faire appel au public trifluvien. «Montrez-moi ce que vous avez dans le corps!» lance-t-elle au bout du fil, dans un éclat de rire qui lui est caractéristique.

C'est que comme d'autres artistes, Ariane Moffatt a parfois trouvé que le public d'ici était un brin tranquille. «C'est un public assez relaxe... Un peu comme s'ils regardaient la télé», rigole-t-elle. «Mais c'était à la salle J.-Antonio-Thompson et c'est tellement grand cette salle... Je vais être dans un autre lieu cette fois.»

Mais encore, en secret, elle voulait bel et bien revenir avec le Félix de l'album pop-rock de l'année au gala de l'Adisq dimanche dernier. «J'avoue que je m'en allais là avec un espoir pour cette catégorie, étant donné que je l'avais eu pour mes deux albums précédents. Ce n'est pas qu'on prend ça pour acquis, mais je me disais que ce serait l'fun de conserver ça.»

Riche d'un tour du chapeau dans cette catégorie, elle croyait toutefois que sa récolte s'arrêterait là. «Pour les autres nominations, je ne pensais pas ça possible», dit-elle. Or c'est justement avec Je veux tout qu'elle s'est fait surprendre en allant cueillir un deuxième Félix, pour la chanson populaire de l'année.

«Recevoir un trophée du public pour cette chanson-là, ça m'a vraiment fait un velours. C'est très symbolique pour moi. Le rôle d'un auteur-compositeur, c'est de rendre une chanson dans l'oreille et le coeur de quelqu'un. Dans le milieu du show-business, on a tendance à contourner ça parfois mais pour moi, c'est ça le lien direct avec l'auditoire. Ça me ramène à la base.»

Et dans l'ensemble, le fait que son troisième album intitulé Tous les sens ait été adopté aussi favorablement, aussi bien par l'industrie que par le public, a eu l'effet d'un baume sur les doutes d'une artiste qui n'en a jamais manqué. «Dans cet album-là, j'ai changé mon angle. Je voulais me convaincre moi-même que je pouvais aller dans d'autres zones que la tristesse. Le prix que j'ai gagné pour cet album, c'est un pari que j'ai gagné avec moi-même.»

Facile à porter

Vendredi soir à Trois-Rivières, Ariane Moffatt sera au coeur d'une tournée qui lui fait également chérir son nouveau répertoire. «Cet album-là, je le perçois comme un allié. Il est facile à porter, facile en spectacle.»

Exigeante envers elle-même en musique, elle l'est tout autant en tournée. «J'ai porté une grande attention à la planification du spectacle. Ça s'est fait avec beaucoup de réflexions. Je ne veux pas dévoiler mes punchs, mais c'était la première fois que j'allais dans la scénographie et la projection vidéo», dit-elle.

«Pour ce show, je voulais éviter de faire juste une enfilade de chansons. Je voulais avoir une unité, un mood commun dans la soirée. Je voulais me permettre de rendre ça plus intimiste», dit-elle. «Je sens que ce show-là est plus smooth, moins dans-le-tapis et dans l'intensité tout le temps que lors de mes autres tournées», sourit-elle. «Je trouve ça plaisant d'être plus calme, plus posée.»

Et par soir d'exception, elle fera aussi exception. Au moment des élections américaines, mardi, elle était sur scène mais pendant l'entracte, elle a présenté RDI sur grand écran, pour permettre aux spectateurs de prendre le pouls de l'événement porteur d'espoir qui était en train de se dérouler.

Car elle a beau visiter le «je» dans ses chansons, elle est loin d'être insensible à la chose politique. «J'ai suivi le parcours de Barack Obama et je suis extrêmement soulagée de voir qu'il y a de l'espoir et de voir qu'ils pourront peut-être arrêter de vivre sous la peur. Mardi soir, je voyais des Afro-américains pleurer et j'étais extrêmement fière pour eux.»

Au pays de Sarkozy

Ariane Moffatt garde donc un oeil intéressé sur la politique américaine, mais c'est bel et bien l'Europe qui est dans sa mire. Et c'est au pays de Sarkozy qu'elle hibernera cette année. Dès janvier, elle installera ses pénates à Paris, une aventure qui lui donne un certain vertige, mais surtout un bel élan.

«C'est un petit vertige, c'est sûr. C'est quand même un gros moove de quitter mes proches et ma famille pour aller vers l'inconnu, mais c'est aussi un trip personnel stimulant d'aller vivre comme ça dans une autre ville», observe-t-elle. «Je n'ai pas encore 30 ans, c'est le temps pour moi de le faire.»

En France, elle a déjà reçu un accueil favorable et y a fait plusieurs rencontres sérieuses, professionnellement parlant, aussi bien parmi les artistes que dans l'équipe de gérance qui l'a adoptée.

Son plan de match est bien établi. Actuellement, elle est à finaliser des négociations avec une multinationale qui pourra distribuer son album Tous les sens, avec sortie en mars 2009. Ce qui ne l'empêchera pas de commencer la promotion et les spectacles, en janvier et février. «Je reste là tout le printemps, avec retour ici en mai pour quelques supplémentaires», dit-elle.

Et par temps libres, outre les voyages, elle se doute bien que quelques périodes de création s'imposeront. «Je pense que je vais écrire là-bas. Ça va bien lorsqu'on est hors de ses habitudes et de son cercle. C'est à Paris que j'ai écrit Réverbère et plusieurs autres chansons. Au pire, ç'aura été une période de création pour le prochain album!»


Linda Corbo-Le Nouvelliste
Photo:Gesca

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