4 mai 2009

Attention Musique Fraiche - Ariane Moffatt

par Michael Rochette
http://musique.sfr.fr


J'adore la langue française et j'aime la tourner de façon à ce qu'elle sonne"Véritable star au Québec, où ses deux premiers albums lui ont assuré à la fois succès public et reconnaissance de ses pairs (elle a moissonné depuis 2002 pas moins de onze Félix – les Victoires de la Musique locales), Ariane Moffatt arrive enfin en France avec son troisième album, Tous les sens. Son Je veux tout, agrippé à toutes les playlists FM du pays, pourrait bien être son sésame tricolore. Rencontre.

Tout d'abord, vu qu'on ne te connaît pas encore très bien en France, peux-tu nous raconter un peu ton parcours ?
Et bien je suis une auteur/compositeur de Montréal. J'ai étudié le jazz et un peu la musique classique et j'ai commencé à faire de la scène en tant que clavier pour d'autres groupes de chez nous. Je faisais déjà des chansons dans mon coin en vue d'assurer les premières parties et c'est comme ça que j'ai sorti mon premier album, Aquanaute, en 2002. Trois ans plus tard, je sortais Le Cœur dans la Tête, qui a même eu droit à une distribution par EMI France, mais comme c'était au beau milieu d'une crise terrible du disque, ça s'est très mal passé. Nous avons donc quitté une major pour nous retrouver… sur une autre major (rires) ! Je publie aujourd'hui mon troisième album en France chez Columbia et j'ai vraiment l'impression que les choses commencent à se mettre en place pour moi.

On a aussi pu te voir à plusieurs reprises sur scène avec -M- …
C'est vrai que mon histoire avec la France s'est moins écrite en termes de succès que de belles rencontres. Matthieu Chedid m'avait faite venir après un remix de La bonne étoile que j'avais réalisé. J'ai pu faire du studio ici et rencontrer des artistes très talentueux, dont Yael Naim, que j'ai croisée à l'époque lors d'un bœuf musical à la Maison de la Radio. C'était juste après Les Dix Commandements, elle n'avait pas encore sorti son deuxième album. On s'est retrouvées ensuite sur MySpace et depuis, à chaque fois que je viens en France, on se voit tout le temps, on se fait des dîners ou des sessions de studio. Elle a d'ailleurs participé à deux chansons de Tous les sens.

Peux-tu nous parler de cette collaboration ?
C'était important pour moi de consolider en musique cette vraie amitié qui nous lie, elle, David (Donatien), et moi. Et puis comme l'album est sorti il y a déjà plus d'un an au Québec, j'avais trouvé intéressant de rajouter des petits bonus qui différencient les deux albums. Nous avons donc travaillé sur une nouvelle version de Je veux tout, réorchestrée un peu façon malienne, beaucoup plus douce, qui donne une toute autre couleur au texte. L'autre chanson, c'est une composition originale qui s'appelle Never (let me go) que nous avons co-écrite elle et moi il y a quelques années et que nous avons décidé de ressortir des tiroirs.

C'est plutôt étonnant de t'entendre chanter en anglais…
Le français est bien évidemment ma langue maternelle, mais l'anglais fait aussi partie de mes influences, ne serait-ce que parce que j'habite dans une ville complètement bilingue. Et puis j'ai grandi en écoutant plus de musique anglophone que de la chanson française. Ce n'était pas du tout réfléchi, c'est un peu sorti comme ça, c'est souvent ce qui arrive entre quand on crée ensemble, Yael et moi...

Des textes en français sur des arrangements et des sonorités anglo-saxonnes, est-ce là la recette Ariane Moffatt ?
Je ne sais pas si on peut parler de recette, mais ça représente bien ce que je suis. Géographiquement et culturellement, au Québec nous sommes quelque part à cheval entre la France et les Etats-Unis, et ça se ressent forcément dans la musique. J'adore la langue française et j'aime la tourner de façon à ce qu'elle "sonne", pour qu'elle soit musicale ; ce n'est pas nécessairement de la chanson "à texte". Je me suis passionnée très tôt pour les arrangements ; quand j'étais plus jeune, j'avais un clavier avec un séquenceur et quand j'écoutais Ben Harper, j'essayais de reproduire ce que j'entendais, instrument après instrument… Je décortiquais tout. Pour moi la musique, c'est autant l'écriture, le songwriting, que les arrangements qui vont donner l'atmosphère ou l'énergie au morceau. L'autre fil conducteur de mes albums, c'est la volonté de faire cohabiter les instruments acoustiques avec la musique électronique. J'aime cette idée de mélange des univers et je ne me verrais pas faire uniquement l'un ou l'autre.

C'est vrai que ton album est très riche au niveau des ambiances musicales. Quelles sont tes principales influences ?
Quand je dis que je n'ai pas grandi dans la chanson française, ça ne veut pas dire que je suis indifférente à Gainsbourg. D'ailleurs, sur l'album, la chanson Tes invectives, écrite par mon collaborateur Frank Dewaere, est un clin d'œil très appuyé à son univers. Ado, j'étais très fan de trip-hop, des groupes de Bristol comme Tricky ou Portishead. Après, c'est vaste, car je peux aimer autant Jeff Buckley que des trucs carrément R&B comme D'Angelo. Je sais que je le dis beaucoup en interview, mais le reggae et le dub, notamment Lee Scratch Perry, sont aussi très importants pour moi. Tu as aussi la chanson Réverbère, et ses arrangements de cordes qui ramènent à la chanson des années 60/70… Beaucoup d'influences, donc !

Entre toi, Pascale Picard ou Cœur de Pirate, on a l'impression que toute une nouvelle génération d'artistes québécois est en train de débarquer en France. Qu'en penses-tu ?
J'ai surtout l'impression qu'elle existe depuis un petit bout de temps, mais que tout à coup un projecteur s'est allumé sur cette scène et un pont s'est créé entre la chanson française et la nouvelle chanson québécoise. Je pense aussi que la démocratisation de la musique a beaucoup joué : le fait qu'on n'ait plus forcément à dépendre des maisons de disques pour faire son petit bout de chemin. Nous avons une scène extrêmement foisonnante chez nous, beaucoup de bons auteurs, du bon son… Et c'est aussi plus concentré puisque la population québécoise n'est pas la même qu'en France. Il y a Cœur de Pirate, Karkwa (une sorte de Radiohead québécois), Yann Perreau (qui vient de sortir son troisième album), Stéphanie Lapointe (une ex-staracadémicienne qui a su se tracer une voie plus personnelle)… Pour l'instant le public français tend l'oreille, peut-être plus que jamais… Et ils ne seront pas déçus (rires) !


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