6 juin 2009

Retour en grâce de la chanson d'ici en France

Une partie des Français a beaucoup aimé les «chanteurs à voix» venus du Québec. L'autre partie s'en est beaucoup moqué. L'ère où la chanson québécoise était jugée à l'aune des Céline, Garou et Natasha St-Pier de l'autre côté de la grande flaque est toutefois révolue. Après Pierre Lapointe, la France découvre Pascale Picard, Karkwa, Ariane Moffatt et Coeur de pirate. Libération parle du «retour en grâce» des chanteurs québécois; Le Parisien, un quotidien populaire, clame pour sa part qu'une «révolution québécoise est en marche».

Il est bien tôt pour parler de «révolution», bien qu'il soit plaisant de constater que les Français prêtent l'oreille à autre chose qu'aux voix d'ici formatées au goût de leurs radios. Pierre Lapointe lui-même, après avoir reçu un accueil chaleureux de la part de la presse dite culturelle ces dernières années, entretient des doutes quant à sa carrière française. Les médias populaires ne s'intéressent pas tellement à lui, dit-il, ce qui constitue un frein à son éventuelle conquête de la France tout entière.

Là où il y a de l'espoir, c'est du côté des filles. Ariane Moffatt a passé presque quatre mois à Paris pour préparer la sortie, le 4 mai, de son album Tous les sens. Elle s'est entourée d'une nouvelle équipe, a fait des premières parties (de Julien Doré, qu'on découvrira aux FrancoFolies) et aussi des spectacles avec son tout nouveau groupe français. Signe encourageant: sa chanson Je veux tout, succès du printemps dernier au Québec, «tourne énormément» en France, assure sa soeur et agente, Stéphanie Moffatt.

«Je sens un buzz que je n'ai jamais senti pour ses deux autres disques, ajoute-t-elle. Je sens que le monde se demande qui est Ariane Moffatt.» Elle n'est pas la seule fille d'ici à susciter un buzz en France ces jours-ci. Coeur de pirate, qui a fait ses débuts dans l'Hexagone en première partie d'Arthur H en mars, fait aussi beaucoup jaser. «Le buzz en France est aussi fort qu'il l'était ici quand son disque est sorti», estime Eli Bissonnette, patron de Grosse Boîte et Dare to Care, qui gère sa carrière.

Jeune, douée, tatouée, Béatrice Martin avait tout pour séduire Les Inrocks, magazine branché qui s'intéresse généralement plus au versant anglo de la musique montréalaise. Son enthousiasme a été contrebalancé par Télérama, qui a trouvé les chansons de Coeur de pirate jolies, mais «sans relief». Ce qui ne l'empêche pas de tourner à la radio (Comme des enfants a été adoptée par plusieurs antennes FM, jeunes ou «adultes contemporaines») ni de vendre des billets de spectacle.

Eli Bissonnette signale que sa protégée s'est produite à guichets fermés à Bruxelles (dans une salle de 600 places), de même que les quatre soirs où elle a chanté à La Boule noire, petite salle de Pigalle d'une capacité de 200 à 300 places. Il s'attend à ce que tous les billets pour son spectacle prévu en octobre à La Cigale s'envolent également.

Coeur de pirate et Ariane Moffatt (qui sera en concert en novembre au Bataclan) deviendront-elles les porte-étendards de leur génération en France? L'histoire récente est de leur côté: à Paris comme en province, on semble préférer les chanteurs québécois quand ce sont des... chanteuses. Qui d'autre que Lynda Lemay et Isabelle Boulay - on omet sciemment les chanteurs à voix sus-mentionnés - peut se vanter de vraiment faire carrière en France depuis 10 ou 15 ans?


Alexandre Vigneault - La Presse

Aucun commentaire:

Publier un commentaire