27 novembre 2009

En l’air, avec Ariane Moffatt

Ne pas se fier de l’air faussement léger de la demoiselle.

« S’il y a des syntaxes un peu croches sur l’enregistrement, vous saurez me les pardonner ». Avec passion, et une pointe d’accent (mais qui n’en a pas  ?), la Québécoise Ariane Moffatt parle de sa musique. Un succulent mélange pop, folk, reggae, assaisonné à l’électro, sauce humour et textes finement ciselés.

Sur le précédent album, le Cœur dans la tête, elle avait déjà emprunté cette coloration musicale pour parler de ses sentiments, d’« une période sombre », selon ses mots. Elle y chantait  : « Je reviens à Montréal la tête gonflée de nuages. »

Par chance, elle est de retour en France avec un troisième album, Tous les sens, qui apporte des nuages de chaleur, fait bouger, et réfléchir. Ses passages sur les scènes transforment d’ailleurs les salles en boîtes de nuit, emplies de bonne humeur et de cœurs légers. Serait-ce là la principale caractéristique de ce nouvel opus  ? « Il est faussement léger. Je ne peux pas être que dans la légèreté même si j’essaie de toutes mes forces. J’ai un fond plus tourmenté, plus tendre », reconnaît-elle. Alors, elle « fait avec ». Et elle en fait d’agréables séquences où les notes dansent et les mots swinguent pour chanter ses sentiments et l’air du temps. Je veux tout est ainsi un « hymne à l’autodérision » dit-elle. Au cœur d’une société où tout se consomme, elle s’exclame  : « Je veux tout, toi et les autres aussi, aux quatre coins de ma vie. Sur les cœurs, il n’y a pas de prix, je veux tout, tout de suite et ici. » Au moment de l’écriture, elle a eu, dit-elle, « une prise de conscience d’un défaut, celui de tout vouloir, d’avoir du mal à faire des choix, à consommer des gens, des idées, des objets, et les jeter ensuite ». Ce regard lucide sur l’époque et ses travers, Ariane Moffatt le livre aussi dans Jeudi 17 mai.

Quelques extraits de ses propos  : « Immigrants clandestins périssent dans le désert . » Ou encore  : « La bande de Gaza au bord de la crise de nerfs. » C’est le refrain qui donne la clé de la lecture  : « Y a qu’des rimes pauvres dans mon journal. » « Jeudi 17 mai est un « cadavre exquis. » En prenant son café, un 17 mai au matin, et en ouvrant la presse, l’artiste québécoise a « été happée par la quantité d’informations. Je me suis fondée sur les titres pour écrire les lignes de la chanson ». Et a révélé une artiste qui ne veut pas fermer les yeux sur le monde qui l’entoure. Pour autant, elle ne « s’en fait pas un mandat ». Ses sources d’inspiration, d’ailleurs, sont variées  : sa cabane, forcément, la nature… En tant qu’auteure compositrice, elle « allume en permanence son petit radar pour mettre un brin de fantaisie dans le réel et se réserve la liberté de regarder les choses en mélangeant imaginaire et réalité ». Dans son voyage, évasion rime avec profusion  : de sentiments (et des « larmes perséides »), de joie (« quand je fais de la musique, je suis en l’air ») de rythmes, d’instruments. Sur fond électro, l’artiste multi talents se met au synthé, au piano, à la guitare, à la batterie, se fait accompagner de violons, violoncelle, alto ou cuivres variés. Une profusion dont la finesse chatouille agréablement les oreilles.

Fabien Perrier - L'Humanité

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