18 avril 2008

Nouvelle confiance

Dans le café où elle nous a donné rendez-vous, Ariane Moffatt est assise à une table qui est installée sur une petite scène qui surplombe le parterre. L’image est forte: jamais Ariane Moffatt n’a été autant en contrôle de sa destinée.

La minuscule artiste (au plan physique) au grand talent (au plan musical) lance son troisième compact, Tous les sens, ce mardi.

Après les succès des albums Aquanaute et Le Coeur dans la tête, qui affichent conjointement 200 000 exemplaires vendus, Ariane Moffatt ose encore modifier ses enveloppes et ses structures, preuve qu’elle affiche une confiance qu’elle admet ne pas toujours avoir eue.

«L’expérience du deuxième [disque] m’a essoufflée un peu, dit-elle. Je me suis mis des pressions qui n’étaient pas toujours nécessaires. J’ai rendu ça plus compliqué que ça ne l’est vraiment, mais je pense qu’il fallait passer par là.

«J’arrive au troisième disque avec une plus grande confiance personnelle. Je me dis: «Wow! Les gens me suivent depuis des années dans mes expérimentations avec le même enthousiasme.» S’il y a bien quelqu’un qui me met des bâtons dans les roues, c’est moi, parce qu’il n’y a personne d’autre qui m’en met. (rires). Ça a rendu dès le départ le processus plus léger.»


FAÇON DE FAIRE

Curieusement, Ariane parle d’expérimentations.

On veut bien, mais après trois disques qui «expérimentent», ne devrait-on tout simplement pas parler de façon de faire?

«Je ne cache plus que ma façon de créer, c’est de mélanger plein de styles que j’écoute.

Si je tripe sur un bout de Justin [Timberlake], je ne me gêne pas pour l’intégrer avec une pièce instrumentale. Mélanger pop et éclectro, c’est ma façon de faire, comme j’ai intégré une forme de pastiche des sixties, très Amy Winehouse, avec l’électro cru. J’habille une chanson comme je le sens et je ne sais pas si l’album va être homogène.

Bref, je cuisine.»

Deux trois évidences sautent aux oreilles: Ariane Moffatt est moins torturée, bien plus sereine et n’hésite plus à mettre à l’avantplan cette voix qu’elle dissimulait quelque peu derrière ses instruments.

«J’avais envie de faire quelque chose d’autobiographique avec une certaine profondeur, mais sous un angle plus lumineux par rapport au deuxième album. La voix en avant, c’est pas si volontaire, mais comme il y a peu d’effets, c’est assez dénudé et la voix ressort mieux. Et j’avais le désir de jouer des personnages dans l’interprétation. Je ne suis pas une chanteuse activiste. Je raconte mon vécu et filtre mes expériences. J’ai jamais essayé de le cacher, mais je l’assume pleinement, comme mon amour pour la pop.»

BELLES VARIANTES

Preuve à l’appui, Moffatt est diffuse avec La Fille de l’iceberg, Piaf dans la verve pour Briser un coeur et son piano ragtime, baveuse pour en L’Équilibre, presque rageuse pour Tous les sens, et sereine comme ça ne se peut pas avec Éternel instant présent et Persédies.

Elle a travaillé avec de vieux complices (Jean-Philippe Goncalves, Alex McMahon, Joseph Marchard), a retenu le studio de Bob Ludwig pour la prise de son, mais a aussi un nouveau collaborateur, le Français Frank Deweare, qui a lancé un fichu de bon disque en 2007.

«On s’est rencontrés il y a six ans à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Il vit à Montréal depuis 10 ans et il m’avait envoyé des chansons pour High Class Trauma, ce qui l’a mené à travailler avec Plaster. Quand il a commencé à écrire en français, je me suis dit: «Quelle plume! C’est notre petit Gainsbourg.»

Tes invectives, c’est très Melody Nelson, et L’Équilibre, c’est une chanson que j’avais en anglais qu’il a traduite en français.»


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Ariane sur...

L’écologie: «Il y a une vulgarisation de la crise généralisée qui se fait bien, mais quand je vois la famine dans le monde, ce n’est plus le réchauffement de la planète, c’est la capacité même de se nourrir qui est remise en cause. Parler écologie est devenu un sujet à la mode qui permet aux entreprises de redorer leur blason. On s’en fout que ça soit tendance, si c’est constructif pour la société.»

Les fans français: «Au début, tu dois les courtiser. Mais dès que tu es connue, ils sont de super fans. Les Français ne sont plus condescendants envers les artistes du Québec comme dans le passé.»

La Chine et les JO: «On vit dans un pays où l’on ne sait pas ce que c’est être brimé comme en Chine. Mais c’est drôle de s’insurger contre les JO maintenant. On n’aurait peut-être pas dû donner les JO à la Chine. C’était une décision politique.»

Le vedettariat: «Je vis mieux qu’avant la notion de personnalité publique, mais je fais juste de la musique. J’ai autant d’admiration pour un médecin ou un garagiste qui fait bien son métier. Je trouve ça plate que les gens accordent autant d’importance à la célébrité.»

Le Canadien en séries: «All the Way! Si ça peut me permettre de vendre des disques… (fou rire). Je suis une fille de sport, le hockey n’est pas le mien, mais j’ai pris plaisir à regarder des matchs



Philippe Rezzonico - Le Journal de Montréal

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